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Les débuts de l'industrie cotonnière à Munster

En 1759 la France avait levé la prohibition qui frappait le commerce des indiennes. Des entreprises d'impression sur étoffe se sont alors développées en Alsace, surtout dans les vallées vosgiennes où la main d’œuvre était abondante. La plupart des créations émanaient de la ville de Mulhouse qui était liée à cette époque à la Suisse, et où a débuté en 1746 cette industrie grâce à Jean-Jacques Schmaltzer1. Cette activité va aussi gagner Munster à partir de 1771.

 

Le 10 mai 1771 Gottfried Buchmann, originaire de Saxe et domicilié à Mulhouse, adressa une demande au magistrat de Munster pour son admission en tant que bourgeois de la ville. Il arguait du fait que cela fait 14 ans qu'il habite à Mulhouse et qu'il est marié à une citoyenne de la ville. Il a œuvré pendant ce temps dans l'impression sur étoffes, la création de modèles et les teintures. Il voulait maintenant s'établir à Munster pour exercer sa profession et faire partie des bourgeois de la cité. Le magistrat de la ville répondit favorablement à sa requête et le même jour il prêta serment. Buchmann ne semble toutefois pas avoir réussi dans son entreprise car le 2 juillet 1773 il informa le magistrat de la ville qu'il souhaitait revenir à Mulhouse pour pouvoir mieux subvenir aux besoins de sa famille. Il garda toutefois ses droits de bourgeoisie à Munster.

 

En 1776, trois années après le retrait de Buchmann, une entreprise d'impression sur étoffe fut créée à Munster, cette fois sous l'impulsion de Jean-Jacques Schmaltzer2, le père de l'industrie mulhousienne. Il confia la direction de l'usine à un habitant de Munster qui était aussi son secrétaire : Jean Herbster. Dans un rapport d'inspection du 23 mai 1778 Herbster apparaît comme fabricant établi à Munster. Nous apprenons que Herbster a acquis un terrain, au lieu-dit Graben, avec maison d'habitation, jardins et annexes de Monsieur Reisseissen, professeur de droit à Strasbourg, héritier du défunt bourgmestre Jean Martin Pastorius pour y installer une usine de transformation du coton. Il a acheté aussi un autre bâtiment situé le long du chemin du Graben pour parfaire son installation...

 

L'année 1783 apporta beaucoup de changements dans la direction de l'usine. Le 3 avril Schmaltzer céda l'usine au commerçant Jean Wolff de Landau qui la céda la même année à Jean Henri Riegé autrefois coloriste auprès de l'entreprise Schule d'Augsbourg et partenaire de l'usine Haussmann de Logelbach. Trois mois plus tard, le 19 septembre Riegé passa un pacte social avec le coloriste André Hartmann3 de Colmar qui devint propriétaire du tiers de l'entreprise. Il est probable que Herbster resta un certain temps actionnaire car il apparaît dans les registres de la paroisse comme fabricant en 1784 et 1785...

 

Le 19 novembre 1784 Riegé fut admis en tant que bourgeois de la ville de Munster. Dans sa demande d'admission il a fait état du fait qu'il est propriétaire de l'usine Schmaltzer depuis deux ans et bien décidé d'élire domicile à Munster...

 

Au cours de l'année 1784 l'entreprise connut une importante extension et le nombre des travailleurs s'accrut considérablement. Riegé acheta une vieille tannerie qui appartenait au défunt André Feberey et qui était située derrière la manufacture entre Georges Frederic Frech et le sentier qui longe la rivière pour ériger un nouveau bâtiment après sa démolition... Par la suite il acheta plusieurs propriétés pour permettre l'extension du site.

 

La pollution de la rivière par les eaux issues de la teinturerie fit croître le mécontentement de la population. Le 1er septembre 1786 une commission fut constituée pour visiter le site de l'indiennerie et voir si Riegé pouvait dévier les eaux usées et les épurer avant de les rejeter dans la rivière. La visite eut lieue le 4 octobre 1787. Riege demanda l'ajournement de la visite au motif qu'il avait en projet de déplacer la teinturerie de l'autre côté du canal et de construire un bassin où les eaux transiteraient avant leur rejet dans la rivière. Il prétendait que dans ces conditions l'eau ne porterait aucun préjudice aux truites ou aux animaux. Les membres de la commission insistèrent pour maintenir la visite car les dommages causés aux poissons de la rivière et à la Fecht étaient trop grands sans compter les autres inconvénients causés par ces rejets. Ils suggérèrent la création de canaux pour alimenter des bassins situés dans les prés avoisinants où les rejets pourraient être purifiée par infiltration dans les sol.

 

D'après un relevé des travailleurs, l'usine employait le 28 février 1786 70 salariés. Les tissus destinés à l'impression étaient importés et il n'y avait pas encore de filature ni de tissage. Mais déjà en 1788 un certain Jean Georges Graff est mentionné comme contrôleur du filage et du tissage du coton, opérations réalisées essentiellement à domicile. Riegé s'est éteint le 10 avril 1789 et sa veuve Anne Marie (née Bär) vendit les parts du défunt mari à leur partenaire André Hartmann qui devint donc seul propriétaire du site.

 

L'essor de l'entreprise fut rapide car la fabrique employait en 1789 400 travailleurs, en 1798 500 dont 120 femmes et 120 enfants et 1804 980. De 1783 à 1794 l'entreprise travaillait par contrat pour l'entreprise commerciale Pourtalès4 et Cie de Neuchatel. Celle-ci livrait aussi les étoffes et les couleurs et finançait les travaux d'agrandissement. Dans plusieurs rapports d'activité l'entreprise apparaît d'ailleurs sous le nom de Fabrique Pourtalès et Cie. En 1796 André Hartmann créa avec plusieurs partenaires de la maison Pourtalès une nouvelle société commerciale Soehné l'aîné et Cie pour le négoce des produits fabriqués. Agé de 72 ans il fonda encore avec ses fils Frédéric et Henry la société Hartmann et Fils.

 

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La première indiennerie fut créée dans la rue de Loi à Mulhouse par Samuel Koechlin, Jean-Henri Dollfus, Jean-Jacques Schmaltzer et Jean Jacques Feer en 1746.

 

Jean-Jacques Schmaltzer est né à Mulhouse le 11 mai 1721 et y est décédé le 19 mars 1797. Les Schmaltzer étaient une famille d'artisans. Jean-Jacques fit un apprentissage commercial et entra comme associé dans la manufacture d'indiennes de Samuel Koechlin et Jean-Henri Dollfus. Le 25 mai 1750 il épousait à Mulhouse Marguerite Cornetz fille de Frédéric Cornetz qui fut bourgmestre à Mulhouse de 1766 à 1780. La mère de Marguerite était la fille de Pierre Thierry et de Anne-Françoise d'Anthès.

 

3 Fils d'immigrant luthérien originaire d'Emmendingen (1698 1750) il est le fondateur de la dynastie des Hartmann en Alsace (1747 1837).

 

La famille huguenote Pourtalès est originaire de Saint-Roman de Codières à la limite du Gard et de l'Hérault. Jérôme Pourtalès s'est établi à Neuchatel vers 1720 et a été anobli par Frédéric II roi de Prusse en 1750. Cette famille réussit a accumuler une grande fortune dans la banque et le négoce.

 

D'après J. Matter : Die Arbeiter in der Mûnsterer Indiennefabrik im Jahre 1786 ; Annuaire de la Société Historique du Val et de la Ville de Munster : 1934 : traduction B. Meistermann. 

Photo Jean-Jacques Schmalzer : Musée de l'Impression sur Etoffes Mulhouse.

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