C'est à Reims, le lundi 7 mai 1945, au petit matin, dans la salle des cartes d'une austère bâtisse de briques rouges qui abritait alors le collège de la rue Jolicoeur, du nom d'un médecin natif de la cité, que fut signé l'armistice qui décida de l'arrêt des combats pour le 8 mai 1945. Ce collège avait été réquisitionné et était occupé par le QG du général Eisenhower. Après des travaux de transformation et en mémoire du président Franklin Roosewelt, il va devenir le Lycée Roosewelt bien connu des lycéens et des étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles ou de l'Ecole Supérieure de Commerce. Les signataires étaient : le général Walter Bedell-Smith, le général soviétique Ivan Sousloparov, le général français François Sevez et le général Alfred Jodl mandataire de l'amiral Karl Dönitz, nouveau chef de l'Etat allemand après le suicide de Aldolf Hitler et d'Eva Braun le 30 avril 1945 à Berchtesgaden.
La germanisation et la nazification de l'Alsace et de la Moselle
Après la drôle de guerre et l'armistice du 22 juin 1940, l'Alsace et la Moselle étaient soumises à un régime drastique de germanisation et de nazification dont les maîtres d’œuvre furent les Gauleiter Robert Wagner (Gau Oberrhein) et Josef Bürckel (Gau Westmark). Les préfets, sous-préfets, maires et fonctionnaires ne présentant pas assez de garanties étaient remplacés le plus souvent par des allemands. L'évêque de Metz a été chassé de son diocèse, celui de Strasbourg fut empêché d'exercer son sacerdoce et certains membres du clergé furent arrêtés ou expulsés. Le nom des localités et les prénoms des habitants furent germanisés. Les statues élevées à la gloire des hommes ayant servi la nation furent jetées à terre. Les juifs et les autres populations indésirables furent déportés et leurs biens confisqués comme d'ailleurs le patrimoine des associations à caractère politique.
Le contrôle de la population était assuré par la NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiter Partei) à travers une organisation pyramidale à différents échelons (Blockleiter, Zellenleiter, Ortsgruppenleiter, Kreisleiter et Gauleiter). Un organisme propre à l'Alsace, l'Opferring, va servir d'antichambre pour l'accès au parti pour les alsaciens. Autour de ces organisations au service du chef suprême, le Führer, vont graviter la HJ (Hilterjugend) destinée à former la jeunesse au nazisme et à l'éducation militaire ainsi que son pendant féminin la BDM (Bund Deutscher Mädel).
La langue française était proscrite à l'école et dans les administrations et de nouveaux programmes seront introduits dans l'enseignement primaire et secondaire où les maîtres en place vont être envoyés en formation en Allemagne (Umschulung). Le programme de cette formation comprenait, bien entendu, un volet destiné à la familiarisation avec les thèses du national-socialisme et l'exigence de la loyauté envers le Führer. L'Université de Strasbourg était déplacée à Clermont-Ferrand, en zone libre, les allemands vont installer en 1941 à Strasbourg une Reichsuniversität en faisant appel à des chercheurs et professeurs allemands, le plus souvent membres du parti et dont certains vont d'ailleurs même faire cours en uniforme SS. August Hirt spécialisé dans l'anthropologie raciale va y mener ses pseudo-expériences sur des cobayes humains issus du camp de concentration du Struthof. Les anciens cercles d'étudiants furent abolis et remplacés par le NS Studentenbund qui fédérait et contrôlait les différentes camaraderies d'étudiants (Kamaradschaften).
Dès les débuts du national-socialisme la propagande jouait un rôle essentiel dans la diffusion de l'idéologie du parti. Le contrôle de la presse ainsi que des autres médias comme le cinéma va donc être primordial. En Alsace et en Moselle cela s'était traduit par la disparition de certains titres de presse et l'apparition de nouveaux ainsi que par le contrôle de certains journaux comme l'Elsässer Kurier ou de maisons d'édition comme Alsatia et par la généralisation de la censure.
L'organisation judiciaire et la répression
Dès la fin de l'année 1940, le droit allemand remplaça progressivement le droit français pendant que les magistrats étaient tenus de suivre des séances de formation (Umschulung) et que l'organisation judiciaire s'adaptait à celle qui était en vigueur en Allemagne. Outre le Tribunal de Guerre (Kiegsgericht) des juridictions spéciales (Sondergericht) étaient chargées d'examiner et de juger de manière expéditive les résistants ou les individus jugés indésirables pour les condamner à l'expulsion, aux travaux forcés ou à la peine de mort. C'est ainsi que Marcel Weinum chef du réseau la Main Noire, qui regroupait des jeunes résistants de 14 à 18 ans, fut condamné à mort à Strasbourg puis décapité à Stuttgart en 1942, tandis que les autres membres du réseau subissaient des peines d'emprisonnement et de redressement à Schirmeck.
Sur le plan de la police, c'est la Gestapo (Geheime Staatspolizei) qui inspirait le plus la terreur. Son centre se trouvait à Strasbourg dans l'école ORT (école talmudique Organisation Reconstruction Travail) rue Sellenick mais elle avait des implantions dans plusieurs villes et était placée sous le contrôle des SS (Schutzstaffel). La Gestapo travaillait en étroite collaboration avec le service de renseignement SD (Sicherheitsdienst) fondé par Heinrich Himmler.
Les anciennes prisons comme Ensisheim ou Haguenau restèrent bien sûr en activité mais à la fin de l'année 1940 les allemands entreprirent la construction de baraquements à Schirmeck destinés au début à la rééducation (Erziehungslager). Tout individu suspect ou ayant fait l'objet d'une dénonciation pouvait y être interné. Les conditions de détention étaient particulièrement sévères et les décès étaient nombreux. Plus tard, 15 baraques furent construites dans un ancien lieu de villégiature appelé Struthof, et équipées d'une chambre à gaz, d'un four crématoire et d'une salle de torture. Les urnes contenant les cendres étaient remises aux familles du défunt contre paiement des frais d'incinération. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont mortes dans ces camps gazés, fusillés ou victimes du typhus ou de la dysenterie et parmi eux, des alsaciens, des français, des polonais, des belges ou des luxembourgeois..
Le retour des populations déplacées, l'incorporation forcée et la résistance
Après l'armistice du 22 juin 1940 près de deux millions de soldats français ont été faits prisonniers et internés dans des camps (Stalag, Kriegsgefangenen Manschaftstammlager, pour les hommes de troupes et Oflag Offizierslager pour les officiers) en France ou en Allemagne. Ils devaient participer à des travaux notamment destinés à l'effort de guerre. Comme l'Alsace et la Moselle ont été annexées, la plupart des prisonniers alsaciens ou mosellans vont être libérés avec la promesse de prêter allégeance au Führer et de retourner dans leur contrée. Les autres vont être libérés pour la plupart en 1945 mais plusieurs centaines d'entre eux réussirent à fuir et grâce aux réseaux de passeurs à regagner la France libre notamment par la Suisse. C'est ainsi que le général Henri Giraud, fait prisonnier lors de la bataille de la Meuse, réussit à s'évader de la forteresse de Königstein près de Dresde le 17 avril 1942. Un réseau de passeurs alsaciens, le réseau Martial, favorisa son passage en Suisse par la ferme des Ebourbettes située au-dessus d'Oberlarg. Ces passeurs furent démasqués en 1943 par la Gestapo, suite à une indiscrétion malencontreuse de l'abbé Joseph Heidet. René Ortlieb hôtelier à Thann, l'abbé Joseph Stamm et Heidet furent incarcérés à Schirmeck avant d'être transférés à la prison de Wolfach. Un agent de la Gestapo exécuta Ortlieb et Stamm en 1945 peu avant la Libération. Un autre membre du réseau, Henri Veit, fut également abattu par la Gestapo à Belfort.
Environ 600 000 alsaciens et mosellans, habitants des zones frontalières, avaient été évacués dans le Sud-Ouest de la France en 1939. Après l'armistice du 22 juin 1940, près de 400 000 d'entre eux vont rejoindre à nouveau le pays et être confrontés à la germanisation, à la nazification mais aussi à l'incorporation de force dans l'armée allemande et à l'obligation du service du travail obligatoire. Les autres vont rester, émigrer ou s'engager dans la résistance. En effet, le 25 août 1942 paraissait, le décret instaurant l'incorporation de force des alsaciens et mosellans dans l'armée allemande, pour certaines tranches d'âge. Ce seront les Malgré Nous, envoyés principalement sur le front de l'Est et dont beaucoup mourront au combat ou dans les camps russes comme le camp tristement célèbre de Tambov.
Les premières lois sur la discrimination raciale apparurent en Allemagne peu après l'avènement de Hitler au pouvoir. Ces lois, qui furent étendues aux régions annexées, visaient principalement les juifs mais aussi les roms, slaves, personnes handicapées, homosexuels, témoins de Jéhovah et opposants politiques comme les socialistes et les communistes. Ces populations furent internées et leurs biens confisqués. Les premiers camps de concentration apparurent déjà en 1933 mais étaient surtout au départ des camps de rééducation par le travail. Par la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942 et la décision d'engager la solution finale ces camps vont devenir de véritables camps d'extermination. Près de 6 millions de juifs vont succomber lors de la Shoah, ce génocide ignoble minutieusement programmé et cruellement exécuté.
Le gouvernement de Vichy et la résistance
C'est à Bordeaux, le 16 juin 1940 que Paul Reynaud va démissionner et que le maréchal Pétain sera chargé de former le nouveau gouvernement de la France. Le lendemain, son discours adressé aux français, par lequel il reconnaît la défaite et annonce son intention de demander l'armistice, sera d'ailleurs largement plébiscité. L'armistice, qui entraînera la division entre zone libre et zone occupée, sera proclamé le 22 juin 1940. Le parlement accordera les pleins pouvoirs au maréchal et le premier gouvernement de Vichy, sera connu le 11 juillet 1940. Parmi les membres du 1er gouvernement nous trouvons notamment Pierre Laval (vice-président du Conseil), Raphaël Alibert (Garde des Sceaux), François Darlan (Marine), Maxime Weygand (Guerre), Louis Marin (Affaires étrangères), Adrien Marquet (Intérieur), Paul Baudoin (Affaires Etrangères), et Yves Bouthillier (Finances).
Le général de Gaulle va rallier Londres et, grâce au soutien de Winston Churchill (premier ministre de Grande Bretagne) et d'une partie des forces coloniales françaises, il va former les FFL (Forces Françaises Libres) et lancer son fameux appel du 18 juin 1940 à poursuivre la lutte armée contre l'occupant. Cet appel va fédérer les militaires et les civils qui n'acceptaient pas la capitulation, encourager la création de groupes de résistance en France ainsi que l'exil vers le Royaume-Uni de volontaires bien décidés à rejoindre les FFL.
Les mouvements de résistance qui avaient débuté en France par des initiatives locales, notamment sous la forme de réseaux de passeurs, de renseignement, d'actions de propagande et de sabotage ont été progressivement coordonnées et fédérées par le Bureau Central de Renseignements et d'Actions (BCRA), en liaison avec les services secrets britanniques et américains. Jean Moulin va jouer un rôle essentiel dans cette action de coordination des différents réseaux, menée sous l'égide du Conseil National de la Résistance (CNR). Arrêté à Caliure et Cuire par la Gestapo le 21 juin 1943 il va succomber pendant son transfert en Allemagne, après avoir été torturé. Outre la Main Noire et le réseau Martial déjà évoqués, de nombreuses initiatives individuelles ou collectives de résistance vont aussi se déployer dans les territoires annexés comme l'Alsace et la Moselle. Ces actions seront sévèrement réprimées par la Gestapo et leurs auteurs, considérés comme des traîtres, souvent condamnés à mort, emprisonnés ou déportés. 18 jeunes gens de Ballersdorf et environ, qui tentaient de fuir en Suisse pour échapper à l'incorporation, furent arrêtés, 3 d'entre-eux périrent sur place, 13 autres furent internés à Schirmeck, condamnés à mort et fusillés après un procès expéditif, un cas a été disjoint et soumis à une expertise médicale et un seul a pu gagner la Suisse. Nombreux étaient les alsaciens qui cherchaient à éviter l'incorporation de force et en plusieurs endroits il eut des manifestation de jeunes conscrits, généralement sévèrement réprimées, comme à Thann, Kaysersberg, Fréland, Nothalten ou Orbey. L'incorporation a même été étendue par la Gauleiter Wagner aux
anciens officiers de réserve principalement dans la Waffen SS. C'est ainsi que des alsaciens vont être impliqués dans le fameux massacre d'Oradour-sur-Glane.
L'entrée en guerre des États-Unis, le débarquement en Afrique du Nord, la bataille de Stalingrad, le débarquement en Provence et en Normandie
L'attaque surprise de Pearl Harbor par les forces navales japonaises (7 décembre 1941) bouleversa le déroulement du conflit. Le Congrès américain va se prononcer pour la guerre contre le Japon (8 décembre 1941) à la suite d'une allocution célèbre du Président Roosewelt. Les États-Unis vont aussi entrer directement dans le conflit contre l'Allemagne nazie, après que celle-ci lui ait déclaré la guerre, et envoyer des contingents et du matériel vers le continent européen.
Le 9 novembre 1942 les alliés débarquèrent en Afrique du Nord pour soutenir le front de l'Est en ouvrant un nouveau front (opération TORCH). Ce choix stratégique résulte d'un arbitrage entre les positions anglaises et américaines. L'objectif était d'établir des bases en Afrique du Nord, de conquérir progressivement tout le territoire et de prendre à revers les forces de l'Axe engagées en Libye et en Égypte. Cette opération fait aussi suite à la tentative avortée de l'opération franco-anglaise Dakar (23 au 25 septembre 1942), qui était destinée à contrôler l'Afrique Occidentale Française en ralliant les troupes restées fidèles à Vichy. L'opération Torch constitua la première tentative de débarquement coordonné des forces alliées. Elle va permettre aux forces alliées de contrôler l'Algérie et le Maroc et après de durs combats également la Tunisie. Les troupes coloniales françaises qui au départ étaient en majorité fidèles à Vichy vont progressivement se rallier au gouvernement de la France Libre. Le gouvernement de Vichy, dans un souci de collaboration, va même créer une Phalange Africaine composée de combattants volontaires, engagés notamment en Tunisie, mais la campagne de recrutement n'aura pas le succès escompté. Le général Erwin Rommel, chef de l'Afrikakorps, qui avait obtenu son bâton de maréchal après la prise de Tobrouk devra s'incliner après la deuxième bataille d'El Alamein (octobre novembre 1942) devant les troupes anglaises commandées par Bernard Montgomery.
Malgré le pacte de non agression signé en août 1939 entre Viatcheslav Molotov et Joachim von Ribbentrop et encouragé par la réussite du Blitzkrieg sur le front occidental, le Reich va entrer en guerre contre la Russie le 22 juin 1941 (opération Babarossa). Cette décision, dictée par des considérations idéologiques et la volonté d'expansionnisme du Führer, va se révéler catastrophique. C'est par un hiver rigoureux que la progression allemande sera stoppée à Stalingrad le 2 février 1943 après des combats acharnés entre la 6ième armée allemande commandée par le général Friedrich Paulus et soutenue par la Luftwaffe et l'armée soviétique sous les ordres du général Vassily Tchouikov et du maréchal Georgy Youkov. Après la chute de Stalingrad les troupes soviétiques vont poursuivre leur progression vers l'ouest et libérer Koursk (23 août 1943), Smolensk (25 septembre 1943), Budapest (29 octobre 1944 au 13 février 1945) ou encore Varsovie (17 septembre 1945).
En faisant appel aux services secrets et en ayant recours à des leurres, les forces alliées réussirent à cacher aux allemands le lieu exact du débarquement (opération Fortitude). Celui-ci aura lieu le 6 juin 1944 en Normandie (D-Day). Environ 156 000 soldats alliés (notamment britanniques, américains, français, canadiens ...) vont traverser la Manche en suivant un plan minutieusement préparé (opération Overlord) pour se poser sur les plages de Normandie. Bien que les fortifications allemandes aient été bombardées au préalable, la résistance fut farouche, en particulier à Omaha Beach, mais ne put empêcher l'installation de têtes de pont. Le débarquement fut un succès et permit aux troupes alliées de pénétrer dans les terres. Le 26 juin Cherbourg sera libéré par le VIIième corps d'armée américain commandé par le général Joseph Lawton Collins. Le 20 juillet Caen est libéré après une résistance farouche et d'intenses bombardements alliés de la ville. Après la libération de la Normandie par la bataille de Falaise d'août 1944, les alliés vont progresser vers le Nord et l'Est pour atteindre la capitale aidés en cela par les réseaux de résistance qui fournissaient des renseignements, procédaient à des actes de sabotage et menaient des opérations armées. Les Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) vont aussi provoquer un mouvement insurrectionnel dans la capitale et ainsi faciliter l'entrée des troupes alliées. Le 25 août 1944 Philippe Leclerc de Hauteclocque à la tête de la 2ième Division Blindée entra dans Paris et accepta la reddition du gouverneur militaire Dietrich von Choltitz. Ce dernier a précisé dans ses mémoires qu'il aurait désobéi aux ordres d'Hitler qui souhaitait la destruction de Paris si la ville tombait aux mains des ennemis. Ce fait, qui est à l'origine du film de René Clément Paris brûle-t-il dont le scénario est tiré du roman de Collins et Lapierre reste toutefois assez controversé par les historiens.
Le 15 août 1944 les troupes des Etats-Unis, du Royaume Uni et de la France Libre vont débarquer en Provence (Cavalaire sur Mer, Saint-Tropez et Saint-Raphaël) pour ouvrir un nouveau front avec le soutien des forces aériennes. Le commandement suprême de de l'opération (opération Dragoon) était confié à l'anglais Sir Harold Alexander et le contingent français était dirigé par le général Jean de Lattre de Tassigny. L'opération était un succès et les alliés vont rapidement libérer Marseille (28 août 1944), Toulon (26 août 1944) Lyon (3 septembre 1944), Grenoble (22 août 1944) et Dijon (11 septembre 1944). C'est à Dijon que l'étau va se resserrer par la jonction de l'armée de l'ouest du général Patton et des forces venant du Sud, la 7ième armée américaine et la 1ère armée française du maréchal de Lattre de Tassigny. Les premiers hommes à entrer dans la ville sont ceux du 4ième escadron du 2ième régiment de spahis algériens.
La libération de l' Alsace et l'épuration
Après la libération de Mulhouse (21 novembre 1944), la progression des alliés sera stoppée sur un front qui va du nord de Mulhouse jusqu'au sud de Sélestat ; c'est la poche de Colmar. Pendant ce temps, Philippe Leclerc de Hauteclocque à la tête de la 2ième DB, guidée par les FFI, arrive sur Strasbourg en passant par la trouée de Dabo. La ville sera libérée le 23 novembre et un jeune spahi du nom de Maurice Lebrun hissa le drapeau français au sommet de la flèche de la cathédrale accomplissant ainsi le serment de Koufra prêté par Leclerc, en Libye le 2 mars 1941 - Jurez de ne déposer les armes que le jour ou nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg -. Les forces blindées allemandes vont réagir pour reprendre la ville (opération Nordwind) mais Strasbourg et la Basse-Alsace restèrent finalement aux mains des alliés.
La bataille de la poche de Colmar va durer environ trois semaines, par un hiver particulièrement rigoureux, et opposer la 1ère armée française et le XXIième corps d'armée US à la XIXième armée allemande. La ville de Colmar va être finalement libérée le 2 février 1945. Mais il faut attendre le 19 mars pour voir la libération du dernier village alsacien, Scheibenhard dans l'extrême nord-est du pays. Plusieurs cités pittoresques du piémont des Vosges comme Ammerschwihr, Bennwihr, Mittelwihr, Sigolsheim ou Ostheim vont être totalement anéanties par les bombardements alliés.
Si beaucoup d'alsaciens et de mosellans ont pu garder quelques sympathies pour l'Allemagne dans l'entre-deux guerres, ils ont déchanté quand il s'agissait de se plier à l'organisation imposée par l'Allemagne nazie, d'accepter le dogme de la discrimination raciale, d'être confronté à l'incorporation de force ou au RAD Reichsarbeitsdienst. Cette province a donc accueilli les troupes alliées dans une allégresse quasi générale. Celle-ci ne saurait faire oublier les près de 2000 alsaciens engagés volontaires dans l'armée allemande et les mesures expéditives prises au cours de la période d'épuration contre eux et à l'encontre des miliciens, des personnes suspectes de collaboration, des étrangers provenant d'un pays de l'Axe, ou tout simplement des victimes de délations. Et que penser des femmes tondues et livrées à la vindicte populaire pour avoir fréquenté des allemands. Ces actes étaient d'autant plus déplorables qu'ils étaient parfois commis par des résistants de dernière heure, qui n'ont pour la plupart même pas participé aux combats, ou par de simples badauds. Les personnes arrêtées étaient dirigées vers des centres de détention ou des camps, comme celui du Struthof ou de Schirmeck abandonnés par les allemands, en attendant l'installation des tribunaux pour leur jugement.
Un autre épisode peu glorieux a été longtemps passé sous silence. Les tirailleurs, combattants de l'Afrique subsaharienne qui ont participé avec courage aux faits d'armes qui ont précédé le débarquement en Provence ont été victimes d'une opération de blanchiment, entreprise par le commandement allié, pour les empêcher de participer à la libération du pays. Renvoyés dans leur contrée et parqués dans des camps, sans obtenir le règlement du restant de leur solde, ils se sont soulevés et près d'une centaine d'entre eux furent abattus par l'armée française à Thiaroye non loin de Dakar. La population alsacienne doit également se souvenir de ce qu'elle doit à ces combattants valeureux ainsi qu'aux spahis ou goumiers d'Afrique du Nord pour la libération de leur pays. L'ingratitude témoignée parfois envers ces populations a probablement aussi alimenté les soulèvements qui ont conduit à la décolonisation.
Bruno Meistermann
Bibliographie indicative
Histoire de l'Alsace sous l'occupation allemande : Marie Joseph Bopp : 2011
L'épuration en Alsace : Jean-Laurent Vonau : Editions du Rhin : 2005
Le poids de la ville dans la résistance : le cas de l'Alsace : Bulletin de l'Institut d'Histoire du Temps : 1995
La mise au pas de l'Alsace Moselle : Jean Noël Grandhomme : revue d'Allemagne et des pays de langue allemande 2014
Dictionnaire de l'occupation de l'Alsace-Moselle : Yves Moritz 2022
Photo : une batterie d'artillerie américaine à Zellenberg au moment de la libération de la poche de Colmar - auteur inconnu
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