"Jean-Daniel Schoepflin n'était pas né en Alsace. Il vit le jour dans le margraviat de Bade-Dourlach, à Sulzbourg, 6 septembre 1694. Son père, dont il porta les prénoms, était originaire de Roeteln, petit bourg au sud du pays de Bade. Sa mère, Anne-Marguerite Bardolle, était de Colmar ; elle avait apporté en dot à son mari une maison, sise en cette ville, dans la rues des Têtes, qui fut vendue plus tard, le 7 novembre 1722. Schoepflin se rattachait donc, par ses parents, et au margraviat de Bade et à l'Alsace ; il aima l'une et l'autre contrée et il prouva son affection, en écrivant la plus remarquable histoire de Bade et la plus remarquable histoire d'Alsace. Jean-Daniel fit de bonnes études. Son père, qui était un modeste employé du margrave, s'imposa quelques sacrifices et envoya son fils au Gymnase de Dourlach, qui fut plus tard transporté à Carlsruhe, après la création de cette ville par Charles-Guillaume. Schoepflin y resta cinq années, puis alla terminer ses études secondaires à Bâle. En 1707, à l'âge de treize ans, il entra à l'Université, dans la faculté de philosophie. L'un des maîtres les plus éminents de Bâle, Christophe Iselin, professeur d'histoire et d'éloquence, était son parent. Il lui fit suivre ses cours, l'aida de ses conseils et décida de sa vocation.
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Iselin possédait une riche bibliothèque qu'il mit à la disposition de l'élève. La bibliothèque universitaire, d'autre part, renfermait de nombreux volumes. Schoepflin puisait dans l'une et dans l'autre.
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Cependant le père de Schoepflin avait quitté Sulzbourg. Sept enfants lui étaient nés et sa place chez le margrave ne lui suffisait plus pour nourrir sa nombreuse famille. Il vint chercher fortune en Alsace et il s'intalla à Riquewihr, petite seigneurie qui dépendait du comté de Montbéliard. Dans ce bourg, il devint receveur des biens de l'église protestante. Schoepflin passa donc ses vacances au coeur même de l'Alsace.
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Ce fut à Riquewihr qu'il perdit sa mère, le 21 décembre 1723 ; plus tard, son père, devenu vieux, alla chercher asile chez un autre de ses fils, Jean-Frédéric, qui avait fondé, dans la vallée de Munster la papeterie de Luttenbach. Il y mourut le 12 juin 1739, à l'âge de 76 ans et fut enterré dans le petit cimetière de Muhlbach.
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Au moment où son père s'établissait à Riquewihr, Jean-Daniel quitta la Faculté de Philosophie de Bâle et se rendit à l'Université de Strasbourg. Il se fit inscrire comme étudiant à la Faculté de Théologie.
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C'est à ce moment, en 1751, que parut le premier volume de l'Alsatia illustrata. On connaît déjà le plan de Schoepflin. "Le premier volume, écrit-il, comprendra les périodes celtique, romaine et franque ; le second traitera de l'Alsace germanique ; le troisième aura pour objet l'histoire de la littérature et de la religion." Le plan ne fut point tout à fait exécuté ; mais Schoepflin a tout fait pour le mener à bonne fin.
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Schoepflin conseilla à Voltaire de se rendre, pour achever son ouvrage, à Colmar où il trouverait des gens très versés dans l'étude du droit. Voltaire suivit cet avis en 1753, il s'installa dans la rue des Juifs et bientôt il entra en relations avec quelques magistrats du Conseil souverain de Colmar. Un moment, il songea à demeurer dans le pays et à se construire une maison à Horbourg, sur les ruines du palais des ducs de Würtemberg. Mais on trama contre lui toutes sortes de cabales et, pour avoir la tranquilité, Voltaire se réfugia pendant quinze jours à Luttenbach, dans la papeterie qu'y possédait le frère de Schoepflin, Jean-Frédéric. Ce fut à la librairie de ce dernier, à Colmar, que devait paraître la 1ère édition des Annales de l'Empire.
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Après son jubilé, Schoepflin continua de jouir d'une santé relativement bonne ; une toux légère ne laissait pourtant pas d'inquiéter ses amis. Il vaquait à ses occupations habituelles pendant l'hiver 1770-1771 ; au mois de mai, il se rendit même, comme à l'ordinaire, à Mannheim, où il présida l'Académie. Son nom se lit encore surl'affiche de l'Université du second semestre 1771. "Schoepflin, y est-il dit, reprendra ses cours au mois de novembre et exposera l'histoire des traités de paix." Mias il ne devait plus monter en chaire ; à la fin de juillet, la toux se changea en oppression ; ses forces diminuèrent chaque jour, l'appétit disparut et bientôt même le sommeil quitta ses yeux. La maladie devint plus grave, sans qu'il en fut troublé. Il devina que sa fin était proche, et le mercredi 7 août, à 7 heures et demi du matin, il fit mander un avocat de la ville, auquel il dicta ses dernières volontés."
d'après Ch. Pfister : Annales de l'Est 1887
"... Cet homme remarquable ne fut pas sans influence sur moi, quoique je n'aie pas eu de relation particulière avec lui. Les hommes de cette trempe peuvent se comparer à des astres lumineux, sur lesquels on a les yeux fixés, tant qu'ils brillent sur l'horizon. Leur présence nous fortifie ; une noble émulation nous excite à nous approprier leurs belles qualités..."
A propos de Schoepflin : Mémoires de Goethe traduits de l'allemand par Aubert de Vitry tome premier 1823.
"... Il s'était dit, en parcourant plus d'une fois les belles campagnes sises entre les versants de la Forêt Noire et des Vosges, que ce serait une oeuvre méritoire, que d'établir la filiation de tous les dynastes qui avaient passé sur cette terre, et de préciser pour chaque localité, pour chaque clocher d'église, chaque tour de château, chaque porte de ville, les faits historiques qui s'y rattachent depuis l'antiquité gauloise jusque sous le règne des Bourbons..."
Extrait de Eloge de Schoepflin : discours à la société des sciences, agriculture et arts du Bas-Rhin : Louis Spach 1850.
Reproduction : source BNF